Pourquoi choisir de piloter par les risques ?

Un processus s’inscrit dans une politique stratégique sous la responsabilité de la gouvernance, ce que rappelle la norme ISO 9001.

Le cycle de vie des normes accompagne la performance et soutient l’innovation: le développement pharmaceutique (norme ICH/FDAQ8) impose la gestion des risques Qualité (norme ICH/FDAQ9) et prescrit un Système de Management de la Qualité (norme ICH/FDAQ10). Au-delà du caractère obligatoire, la bonne perception de la « norme » et du « standard » en Qualité et Gestion des Risques est devenue une priorité des Industries de Santé.

»   L’IA au service du Patient dans la Recherche Clinique

La Recherche Clinique est le point de convergence de l’innovation par la multiplicité de ses acteurs et de ses technologies, de ses méthodologies et de ses cultures, et surtout par son objectif : servir la santé et la qualité de vie des patients. C’est ici que l’on trouve le mot clé, c’est finalement la Qualité qui rassemble toutes les expériences, sous le terme GxP qui regroupe les normes relatives aux médicaments, aux dispositifs médicaux et à l’industrie cosmétique et alimentaire.

« L’entrée du numérique et de l’Intelligence Artificielle dans la sphère de la santé contribue ainsi à la transformation du système de soin et permet au patient de devenir acteur de sa propre santé », comme le rappelle le contrat de filière santé publié en Février 2019.

Le patient est devenu – le client – des Industries de Santé, acteur économique et consommateur des services de Santé, prescripteur de son traitement. Il communique au sujet de sa satisfaction quant à la prise en charge de sa santé, partage ses expériences 24/24, individuellement ou dans le cadre des associations.

Le premier contact du patient avec la Recherche Clinique, c’est la signature du consentement dans l’étude clinique de phase II. Le premier prescripteur d’une innovation, c’est l’Investigateur Principal du premier site investigateur activé, après l’obtention de ses autorisations éthiques, réglementaires et financières. Le parcours du patient dans l’innovation s’engage avec la phase II, lorsque son expérience clinique débute réellement.

»   Vision holistique du cycle de vie de la Qualité

La qualité est une habitude et la gestion des risques une mentalité proactive, il est certain que le contexte économique et social, nationale et international, impacte le cycle de Recherche et Développement réputé pour nécessiter plus de 10 ans et quelques billions d’€/$ de budget entre la découverte d’une molécule innovante et l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament.

Si ces référentiels sont stables, c’est que leurs définitions n’ont pas vocation à changer : satisfaire un ou plusieurs clients. Les autorités réglementaires sont des clients institutionnels, cependant le patient est – enfin – devenu le client (consommateur final) d’une molécule ou d’un dispositif, susceptible de voir sa qualité de vie s’améliorer ou bien d’en subir les effets secondaires ou indésirables, et d’en supporter les conséquences, à plus ou moins long terme. L’excellence opérationnelle est aujourd’hui au service des patients, les impliquer est une évidence économique et financière.

»   Un potentiel de performance qui tarde à s’implémenter

La protection de la sécurité du patient et de ses droits d’une manière générale constitue le principe directeur des trois piliers qui forge la gestion des risques qualité (Quality Risk Management). Pourquoi cette démarche peine-t-elle à délivrer son potentiel ?

Curieusement, la valorisation des expériences, des succès comme des échecs, n’est pas encore optimisée. La reconnaissance est très certainement mise en avant, cependant l’analyse rigoureuse et méthodique des causes des échecs, de surcroît lorsqu’ils sont répétitifs, n’est que rarement appliquée. De même, le principe de partage de la connaissance au travers des cas concrets (Lessons Learned) dépend plus de la bonne volonté individuelle que d'un processus applicable. Enfin, la robustesse du processus QRM, c’est-à-dire l’absence de répétition des problématiques dont la cause a été traitée, n’est pas inscrite dans les indicateurs de performance de la plupart des systèmes de management de la qualité.

»   Tout le sens d’une démarche de qualité

Considérées individuellement, ces recommandations présentent plutôt une vision contraignante de la conformité, fort peu ludique et encore moins créative. Et pourtant, associées dans un cycle de vie qualité, depuis l’utilisation d’une base de connaissance (Knowledge Management) jusqu’au Plan CAPA, en passant par l’identification et le traitement des risques, la démarche Qualité nourrit le Système de Management du même nom, jusque dans la mise à jour des procédures opératoires standards.

Cette démarche collective valorise la contribution individuelle de chaque acteur, représentant d’une partie de la chaîne de valeurs ayant produit l’un des jalons d’une étude clinique, l’une des phases du cycle de production. Plutôt que d’accuser, plus ou moins silencieusement, lorsqu’un problème survient, cette démarche donne du sens, mobilise l’engagement et renforce la synergie des acteurs, internes comme externes : rechercher une cause méthodiquement plutôt que désigner un coupable.

»   De la compliance à l’adhésion : la ressource humaine

Il est également de plus en plus évident que la ressource des entreprises, son capital le plus cher, est humain, qu’il pilote ou non une ou plusieurs technologies. Et que l’engagement de cette ressource dépend – en grande partie – de son sentiment d’utilité et de l’adéquation de ses valeurs avec l’effort produit au quotidien. Puisque la qualité est une habitude d’après Aristote, c’est également fondamentalement une valeur. Il ne s’agit pas d’appliquer – un peu bêtement et isolément – un standard, mais de le convertir au sein d’un système. La qualité est une opportunité quotidienne, elle dispose de plusieurs outils flexibles et adaptables pour répondre aux problématiques de non-conformités et améliorer la performance, sans stigmatiser une responsabilité individuelle.

»   Quelle place pour la créativité et l’innovation dans la gestion de la Qualité ?

Puisque le monde pharmaceutique se tourne vers l’Innovation et que la France, notamment, confirme largement sa présence dans le secteur de la santé, il est évident que la qualité se doit d’être un facteur contributeur fort.

Pourtant, cette évidence affronte une croyance ancestrale qui estampille la Qualité comme une sorte de punition prenant volontiers la forme d’une dichotomie évidente : « bon » ou « mauvais », « réussite » ou « échec », c’est un jugement plus qu’une démarche. Concrètement, personne n’associe spontanément la Qualité à l’Innovation, et probablement peu si ce n’est aucune startup, BioTech, Medtech ou Biopharma, n’implique un Expert en Système de Management Qualité et Gestion des Risques dès les premiers pas de son aventure.

»   Agilité vs. Lean : pourquoi choisir ?

Dans le cadre de la digitalisation, on assiste parfois au duel étonnant de l’Agilité vs. Lean.  D’un point de vue réglementaire, apprendre de ses erreurs ne signifie pas forcément être autorisé à se tromper. Si la méthode agile, scrum, spead boat et autres outils est idéale dans le développement des solutions informatiques, c’est plutôt la méthode Lean qui permet de dé-risquer et d’opérationnaliser un processus de production, qu’il s’agisse de biens ou de services.

Définir les séquences d’utilisation de la méthode Agile s’inscrit dans une Procédure Opératoire Standard (SOP), essentiellement celle du développement et de la validation d’un système. La capacité de détection des erreurs est l’un des facteurs d’évaluation du risque d’une procédure. La séquence opératoire peut être en partie humaine et en partie technologique, la technologie devient un acteur du processus, pilotée par le responsable système. La procédure de Change Management et la procédure CAPA peuvent parfaitement opérationnaliser les itérations agiles.

»   Le pilotage stratégique par les risques

Le plan de développement clinique se construit sur la vision du bénéfice/risque d’un produit/d’une solution, ce qui en déterminera, en grande partie, la valeur. Ce plan hautement stratégique reflète la vision à long terme du développement. Pour sécuriser son pilotage, la gouvernance signe le manuel Qualité établissant le système du même nom, décide du traitement des risques et de leur acceptabilité.

Du bénéfice/risque au plan du même nom, la révision des bonnes pratiques cliniques (GCP-ICHE6R2) applicable depuis le 14 Juin 2017 porte – essentiellement – sur la gestion des risques. Le rapport 2018 de l’agence européenne du médicament (EMA) indique 812 demandes d’accès aux documents (Access To Documents) reçues, dont 24% (Top 1) concernant la gouvernance (Committee Documents) et 17% (Top 2) le plan de gestion des risques (RMP).

»   L’expérience positive : comment transformer une non-conformité en une opportunité d’innovation ?

Le meilleur levier de performance collective, resté peu exploré voir absent des procédures de gestion Qualité / CAPA est certainement l’analyse des causes profondes (Root Cause Analysis).

Pilier de la robustesse du plan CAPA, cette analyse repose en premier lieu sur une définition précise et méthodique d’une problématique. La constitution d’une équipe transverse coordonnée par un pilote expert de cette procédure est une garantie de performance, de réduction des coûts et de contrôle des délais. S’affranchir ou surfacer cette analyse revient – mécaniquement – à traiter l’un des nombreux symptômes d’un problème de qualité sans utiliser le plus robuste des processus pour en supprimer la cause principale, selon la loi de Pareto. L’absence d’une équipe transverse prive les acteurs d’une occasion de travailler ensemble à l’amélioration continue, donc à la compétitivité d’une innovation sur son marché.

»   Santé 2030 : Synergie des acteurs, synergie des processus, synergie des technologies

Si l’on tient compte du délai de développement R&D moyen, il est plus que raisonnable de parler de la santé en 2030, comme le propose le Leem dans sa publication : « Santé 2030, une analyse prospective de l’innovation en santé ».

Sur la base des études cliniques en cours, les méthodologies évoluent de manière adaptative, le parcours de soins se modifie, l’implication directe des patients s’intensifie. L’amélioration continue, qui repose sur les méthodes de Lean notamment, est un pilier. Apprendre de ses erreurs, c’est-à-dire mieux les détecter, mieux les définir, mieux les analyser en impliquant chaque acteur, chaque propriétaire d’un système et de sa validation, chaque investigateur permettra de donner un nouvel élan à la Qualité qui, si elle n’innove pas, participe activement à la réussite des projets et chantiers d’innovation.

»   Actualité des normes ISO : la gestion des risques et des évaluations cliniques pour les dispositifs médicaux

Qu’il s’agisse de produits combinés ou de dispositifs médicaux, le patient reste le même client. Il parait donc assez évident que la gestion des risques, notamment au travers des évaluations/études cliniques, s’harmonise. Deux référentiels majeurs sont en cours de finalisation, avec une publication attendue cette fin d’année 2019.

Les Biotechs et les Medtechs sont les premières à bénéficier de cette mise à jour qui leur permettra d’envisager la démarche qualité comme une opportunité porteuse de performance. Une étude clinique, quel que soit la molécule et/ou le dispositif étudié, repose sur la participation volontaire et engagée du patient, accompagné de l’Investigateur (la plupart du temps médecin) qui garantit sa sécurité lors de cette étude/évaluation.

  • ISO 14971 « Application de la gestion des risques aux dispositifs médicaux » (publiée le 10 Décembre 2019)
  • ISO 14155 « Investigation clinique des dispositifs médicaux pour sujets humains – Bonnes pratiques cliniques » (en cours d'approbation, publication attendue en Mai 2020)

La FDA avait mis à jour début 2018 ses standards (21 CFR 812, 807 et 814) concernant l’acceptabilité des données provenant des évaluations cliniques des dispositifs médicaux. Applicable dès le 21 Février 2019, cette mise à jour accompagnée de recommandations sous forme de FAQ impose la conformité avec les bonnes pratiques cliniques (Good Clinical Practices), afin de garantir la sécurité des patients et l’intégrité des données cliniques.

« Renforcer les capacités d’innovation et l’attractivité européenne pour la recherche biomédicale » L’ANSM rappelle les principaux objectifs de la réglementation européenne EU 2017/745 dont l’entrée en vigueur est prévue le 26 Mai 2020. Elle a publié le 22 Juillet 2019 un guide pratique dans le cadre du lancement d’une phase pilote pour les promoteurs « Investigations cliniques de dispositifs médicaux déposées dans le cadre de la phase pilote à l’ANSM et au CPP ».