Inspection Readiness : êtes-vous prêts ?

Frontière entre l’audit et l’inspection réglementaire : la pré-inspection constitue une étape fondamentale de la Démarche Qualité.

Sous l’autorité réglementaire, locale ou régionale, l'inspection quant à elle est une intervention externe qui contrôle la gouvernance de l’entreprise et sa politique de conformité aux référentiels au travers de ses procédures opératoires standards.

 »   Dernière marche de Qualité interne

Ainsi située dans une transition, la pré-inspection est un pilier du plan qualité en Recherche Clinique.  

La performance d’une pré-inspection s’inscrit dans sa différence avec un audit interne : ce dernier observe la compliance avec les procédures effectives et la qualité des procédures au regards de la réglementation en vigueur. La pré-inspection dépasse le simple audit de conformité, elle s’attache à évaluer la Démarche Qualité de l’entreprise, son positionnement face à ses engagements et à ses obligations, et sa bonne compréhension des enjeux et des responsabilités qui en découlent. Elle est notamment l’une des garanties préalables à l’autorisation de mise sur le marché, systématiquement précédée d'une Inspection. 

 »   Inscrire la pré-inspection dans ses procédures opératoires standards

La notion de Quality-by-Design (QbD) précise – en résumant grossièrement « je dis ce que je fais, et je fais ce que j'ai dit ». C’est pourquoi la Qualité se résume dans un plan annuel, revu et ajusté sur un principe de gestion des risques, ces risques se modifiant au cours d’une année calendaire.

Ce plan annuel est dicté par le Manuel Qualité, le tout premier document du Système de Management de la Qualité (SMQ) qui résume l’architecture de la gouvernance sur le sujet Qualité, qui indique le rôle des dirigeants dans la compliance.

Disposer d’une procédure opératoire standard « Audit et Inspection Réglementaire » est une base dans la liste des SOP Qualité, complétée par la gestion des risques Qualité (QRM), la gestion des problèmes Qualité / CAPA, la gestion du changement (Change Management), la gestion des plaintes, cette liste n’est pas exhaustive.

»   Planifier une pré-inspection dans son Plan Qualité annuel

Pour illustrer ce propos, je vais faire un parallèle entre la pré-inspection et le rappel de lots. Tout fabriquant du domaine pharmaceutique ou de celui des dispositifs médicaux, et dorénavant des compléments alimentaires, connait la procédure de rappel d’un lot, obligation réglementaire relative aux Bonnes Pratiques de Fabrication. Cette procédure se doit d’être documentée, et les évidences du suivi de cette procédure doivent être disponibles et vérifiables.

Préparer une inspection suite à la réception d’une notification d’inspection par une autorité réglementaire ne signifie pas réaliser une pré-inspection dans le cadre de l’exécution d’un plan qualité. La base du Lean Management recommande bien de planifier, d’agir, de vérifier et de modifier (Plan/Do/Check/Act) : compte tenu des enjeux, il est exclu de considérer l’Inspection comme la phase « Do ».

Il est évident que cette préparation constituera une charge de travail pour les Opérations, cette charge de travail sera d’autant mieux acceptée si les bénéfices de l’exercice sont présentés, en amont, pour visualiser les avantages d’une gestion proactive.

»   Constitution de la gouvernance

L’équipe de la gouvernance impliquée dans le processus d’une Inspection Réglementaire est assez rapide à définir, notamment pour une startup : il s’agit du Président Directeur Général (PDG), du Directeur Qualité, du Pharmacien Responsable (qui n’est pas forcement le Directeur Qualité) et des membres du Comité de Direction (COMEX) de tous les départements, à l’exception de la Finance qui dispose de sa propre réglementation et de ses inspecteurs, les Commissaires Aux Comptes (CAC).

Cette équipe doit être formée aux Inspections et être en capacité de présenter l’activité de son département, les rôles et responsabilités de ses effectifs dans les principales procédures, le plan de formation de ses ressources ainsi que les évidences de la compliance au plan de formation.

Cette équipe doit connaître aussi bien le manuel Qualité que le plan Qualité annuel, et pouvoir s’exprimer sur les analyses et actions réalisées dans le cadre de la détection de non-conformités ou de déviations.

»   Le leader de l’équipe « Inspection Readiness » : une posture solide

Il est assez évident d’imaginer le profil « type » d’un leader Inspection Readiness, et pourtant curieusement, ce poste stratégique n’est pas systématiquement occupé par une ressource qualifiée, à la fois techniquement et émotionnellement. Au-delà de la capacité à définir le cycle de vie de la qualité dans un plan robuste, d’en assurer la planification, l’implémentation, le suivi et la mise à jour en mode « amélioration continue », il faut également gérer le stress des équipes, soit du fait d’une expérience préalable difficile, soit du fait de l’absence d’expérience significative auquel peut s'ajouter le déni de méconnaissance (je ne sais finalement pas ce qui est le plus difficile).

Toutes les autorités réglementaires ne se ressemble pas, et les « initiés » vous parleront sans doute plus du MHRA que de la FDA finalement, les deux n’ayant pas grand-chose à voir avec l’ANSM. La première considération sera donc liée à votre marché : dès lors qu’il est international, il implique plusieurs réglementations, donc plusieurs « formats » d’inspection, qui dépendent tout de même un peu de la culture.

Une première inspection est rarement la plus lourde, la seconde quant à elle vérifiera, notamment, la compliance et la robustesse des CAPAs implémentés. Elle vérifiera donc la mise à jour des procédures, les formations, et – suivant les jalons de votre développement d’entreprise et ceux de vos plans de développement clinique, l’amélioration continue que vous avez implémentée.

»   Préparation fonctionnelles des Opérations

L’équipe qui travaille sur les études cliniques s’occupera de la préparation des projets, des plans de gestion et de la disponibilité des documents clés tels que le protocole, la liste des centres, la liste des systèmes utilisés, la liste des fournisseurs et des prestataires de service, ainsi que leurs contrats respectifs, incluant les accord de qualité des services (je rappelle que le terme QTA (accord de qualité technique) fait référence aux bonnes pratiques de fabrication, non pas aux accord sur la qualité des services délivrés par des prestataires clinique).

L’outil le plus efficace est une check-list des principaux documents à vérifier, chaque rôle dans l’équipe prenant en charge les documents relatifs à son activité fonctionnelle. Le Chef de Projet ne revoit pas tous les documents, l’ARC ou le TEC non plus, l’assistante de département encore moins.

»   Préparation documentaire

Le Trial Master File (TMF) n’est pas en reste, loin s’en faut. Dès lors qu’une CRO (voir plusieurs) est impliquée dans la gestion d’une étude clinique, la localisation du TMF et la mise à disposition des documents peut être complexe.

En premier lieu, il faudra vérifier la procédure de gestion, puis le plan de gestion. Ce dernier doit comporter la définition et la fréquence des contrôles de qualité effectués, tant au niveau de la CRO que sur les sites investigateurs.

En effet, le Site Investigator File (SIF) doit refléter le TMF (et vis-versa), et doit également comporter une section relative à son contrôle. Il va de soi que d’attendre une notification pour vérifier la disponibilité des documents obligatoires revient à prévoir de déclarer ses impôts la veille de la date limite, alors que l’on s’est marié l’année dernière et que Madame a accouché le 25 Décembre.

»   Préparation émotionnelle et techniques d’entretiens

Le leader connaît les membres de son équipe, il connaît également le degré de confort de chacun face à l’exercice de prise de parole en public +/- sous pression. Choisir le représentant opérationnel d’un département repose certes sur la fonction, mais également sur la maturité professionnelle et émotionnelle. Comme le langage corporel représente plus de 50% de la communication, certains positionnements constitueront un signal plutôt positif, d’autres au contraire un signal plutôt négatif, voir répulsif dans certains cas.

La préparation aux techniques d’entretiens peut certes lever certaines craintes, les exercices d’interviews peuvent certes gommer certaines erreurs ou en atténuer d’autres, il reste que fondamentalement, la confiance en soi ne s’acquiert pas en préparant une inspection. Les petit(e)s chef(fe)s dont le manque de confiance s’affiche au travers de leur communication agressive/passive sont rarement ceux auxquels il faut penser dans le cadre de cet exercice.

C’est bien toute la logique de préparation qui forge le résultat, planifier au décours de chaque année, les étapes clés d’une bonne démarche de qualité permettent aux acteurs de trouver leur place, de progresser dans leur rôle, d’améliorer leurs compétences y compris dans le gestion des Inspections.

»   La réponse aux observations : cas concret d’une cellule de crise

Si votre démarche de qualité vous y a préparé, répondre aux observations est juste une partie du plan. Si la notification était brutale, notamment face à une Inspection « For Cause » mandatée par une autorité, l’exercice s’apparente à la mise en place d’une cellule de crise.

La procédure de Business Continuity est normalement en place dans les Industries de Santé, si c’est le cas, c’est la même cellule d’experts opérationnels qui répond aux observations d’une inspection. Les compétences émotionnelles et rédactionnelles sont importantes : clarté et précision sont de rigueur, ces compétences doivent être synergiques entre les acteurs, internes et externes.

Toute réponse doit faire l’objet d’une relecture par le leader Qualité, les réponses de la Qualité – elles – feront l’objet d’une relecture par le PDG, signataire du manuel Qualité.

La cohésion de l’équipe d’Inspection est un facteur clé de succès, le Pharmacien Responsable n’a pas plus de poids que le Directeur des Opérations Cliniques (et vis-versa). Ce qui permet de rappeler que la Qualité ne fait pas de politique : elle est intègre et ne défend que les intérêts de l’entreprise, et des patients ne l’oublions pas.

»   Succès du plan CAPA : la robustesse de l’analyse des causes racines

Une Inspection génère rarement une ou deux observations, les Inspecteurs ne se déplacent pas pour rien. Ils ont cette expérience qui leur permet de partir d’une cause potentielle relative à un écart pour diriger leur recherche, non pas sur la base de l’écart mais sur la base de la cause racine identifiée.

Par exemple, une défaillance du Système de Management de la Qualité (absence de procédures clés et/ou absence d’analyse des causes systématique sur un problème qualité, comme les plaintes clients par exemple) orientera la curiosité vers le circuit de revue, validation et décision. Ce circuit est primordial dans les Bonnes Pratiques de Fabrication pour passer les étapes du développement, il l’est également dans les signatures des SOPs, dans le processus achat P2P et dans la signature des budgets des études cliniques. Tout document comportant une date et un numéro de version, il sera très simple de rechercher des signaux permettant de confirmer l’absence d’un circuit de décision robuste.

Dans le cas d’un suivi d’inspection, constater la présence d’une cause racine non traitée constitue une cause de majoration de la classification. De même, fonder sa réponse sur le manquement d’un prestataire ou du SMQ de son propre établissement dans le cas d’un Investigateur, ne satisfait pas les Inspecteurs : la responsabilité individuelle est engagée à hauteur des responsabilités, c’est bien la raison pour laquelle un contrat de prestation doit être mis à jour lorsque les responsabilités confiées à un prestataire doivent être modifiées pour tenir comptes des besoins du client.

»   Retour d’Expérience et rédaction d’un Cas Pratique

Une fois la pré-inspection terminée, sur le principe du cycle continue de la qualité, une réunion plus informelle peut permettre de resserrer les liens d’une équipe. Partager ses impressions, poser des questions et surtout, finalement, démystifier cet exercice qui, s’il comporte des enjeux colossaux, n’est pas plus lourd qu’une intervention en chirurgie cardiaque à cœur ouvert (un coeur entre deux palettes est fascinant).

Ce sera également l’occasion de faire le point sur la procédure opératoire « Audit et Inspections », de choisir de l’enrichir ou bien de prendre note des propositions mineures qui attendront le prochain exercice, test ou réel. Apprendre est une motivation forte, réussir également, encore une fois la communication individuelle du Directeur Qualité, et la communication collective d’une équipe soudée assurent plus de 50% de la réussite d’une Inspection.